Comme nous vous l’avions partagés récemment sur nos réseaux sociaux PacSide, l’interview avec Ken Nahoum, le photographe professionnel de célébrités, notamment réputé pour ses célèbres clichés de 2Pac pour le double album All Eyez On Me devenus incontournable plus de 25 ans après le décès de Pac encore à ce jour, a pris le temps de répondre aux quelques questions de la communauté pour la première fois en France et Europe. Une exclusivité PacSide !
Bonjour à vous Ken Nahoum et tout d’abord un grand merci de nous accorder cette interview écrite réalisée par la communauté PacSide ainsi que les fans qui y ont participé (Merci à eux aussi).
_ Premièrement, pourriez-vous vous présenter couramment (votre activité, depuis quand et avec quels autres artistes avez-vous travaillé,… ?)
Je m’appelle Ken, je suis photographe originaire de Brooklyn, New York. J’ai grandi dans un milieu modeste ; ma mère était enseignante d’origine argentine, et mon père, policier new-yorkais. Après plusieurs détours académiques entre Brooklyn College, American University et la New School à New York, je me suis tourné vers le cinéma, puis la photographie.
J’ai débuté comme assistant de grands photographes new-yorkais, notamment Klaus Lucka, Herb Ritts, et Harry Langdon. J’ai beaucoup appris auprès d’eux avant de me lancer dans la mode, la beauté et la publicité. J’ai collaboré avec des clients prestigieux et des artistes internationaux, notamment au Japon, où j’ai eu l’opportunité de réaliser des shootings en solo. Mon parcours a été façonné par l’adaptation, les rencontres et une vraie passion pour l’image.
_ Comment avez-vous été contacté par Death Row ou autres pour réaliser le projet pour Tupac ?
C’est grâce à un magazine indépendant que j’ai eu l’opportunité de travailler avec Death Row Records. Je faisais régulièrement des shootings pour Modern Black Man, un magazine de moindre envergure, dont le rédacteur en chef, George Price, est devenu un ami. Quand le magazine a cessé d’exister, je ne m’attendais pas à le revoir.
Mais quelques années plus tard, George m’a recontacté : il travaillait désormais pour Death Row Records. Il m’a proposé de photographier Tupac, Dr. Dre et Snoop Dogg. C’est comme ça que tout a commencé. J’étais leur photographe ponctuel, et mes images leur ont plu. J’ai finalement photographié Tupac à sept reprises. Comme quoi, parfois, des projets qui semblent peu valorisants au départ peuvent ouvrir de grandes portes.
_ Les photos prises sont-elles une inspiration de 2pac ou bien c’est vous qui a pris en main toute la séance niveau posing ?
J’ai dirigé entièrement la séance photo avec Tupac. C’est moi qui choisissais les poses et les situations, en veillant à ce qu’elles nous conviennent à tous les deux. J’ai toujours su mettre en valeur les peaux noires avec un éclairage adapté, ce qui a vraiment bien fonctionné ici. En revanche, pour la partie vidéo, Tupac avait une présence très forte : dès qu’il s’exprimait, c’est lui qui menait l’ambiance. Je m’occupais de la technique, mais il contrôlait l’énergie du moment.
_ Comment était Tupac lors de la séance photo. La séance a duré combien de temps ?
J’ai eu sept séances photo avec Tupac, chacune très différente. La première s’est déroulée dans le désert de Mojave, pendant le tournage du clip California Love. J’avais installé un immense studio en extérieur avec un fond noir et un éclairage complexe. Malheureusement, Tupac est resté enfermé dans sa caravane et n’a pas voulu poser. J’ai passé deux jours sur place sans pouvoir faire de photos, ce qui a été très frustrant.
Quelques jours plus tard, j’ai été appelé pour le rejoindre sur un yacht près de l’île de Catalina. Il venait de sortir de prison et l’ambiance était très détendue, voire chaotique. Il était très euphorique, faisait le show, et à un moment, il a même tourné autour de notre bateau à toute vitesse pour nous faire peur. C’était complètement fou, mais cela reflète aussi son énergie imprévisible. Ensuite, on a commencé le tournage du clip prévu.
_ Comment s’est passée votre rencontre avec Pac ?
Notre première vraie rencontre a eu lieu sur un yacht près de Catalina Island. Après deux jours infructueux dans le désert où Tupac était resté cloîtré dans sa caravane, j’ai débarqué en canot avec tout mon matériel. Il est sorti, ivre et hilare, et a même fait tournoyer son bateau autour du nôtre jusqu’à déclencher l’intervention de la police. Malgré ce chaos, on l’entend très professionnel sur la vidéo, suivant mes instructions à la lettre. C’est là que notre collaboration a vraiment commencé.
_ Existe-t-il encore des photos non publiques, non divulguées de cette séance ?
Oui, j’ai encore beaucoup de photos et de rushs inédits que je publierai progressivement : de courts extraits vidéo de 10–15 secondes et des images sur mon compte Instagram, où je suis actif depuis un an.
Pac a mis du temps à me faire confiance : lors des deux premières séances, il ne me parlait pas et cherchait même à faire chavirer notre bateau. Mais quand il a vu la pochette d’album que j’avais réalisée (George Price la lui présentant), il a dit « C’est serré, mec », et a commencé à apprécier mon travail. C’est ainsi que notre relation s’est vraiment consolidée.
_ À partir de quand avez-vous réalisé que ces photos allaient être très célèbre dans le monde entier et encore aujourd’hui ?
C’est au cours des dix dernières années que j’ai réalisé l’ampleur de ces photos. Les gens ont commencé à me solliciter régulièrement à leur sujet. À l’époque des séances, l’ambiance variait, mais j’étais toujours très impliqué. Un jour, alors que j’étais agacé par un problème d’éclairage, Tupac m’a entendu crier sur un assistant et a dit à son équipe : « J’aime bien ce gars, il me défend. » C’est là que notre lien s’est renforcé.
_ Comment avez-vous vécu la disparition de Tupac et comment l’avez-vous appris ?
Quand j’ai appris sa mort, j’ai vu cette photo en une du New York Post — Tupac dans sa voiture, quelques minutes avant la fusillade. Elle m’a profondément bouleversé. Il était jeune, brillant, et portait un vrai message d’unité. Il voulait rassembler, au-delà des communautés. Son décès m’a glacé. J’ai senti qu’on avait perdu quelqu’un d’important, pas seulement pour la musique, mais pour la société.
Je repense à lui après sa mort, à tous les shootings. C’était une personne très inspirante et sa disparition a été terrible.
_ Dans quelques unes de ses vidéos officielles, on voit Tupac sur un bateau pour la présentation de All Eyez On Me notamment avec les tenues du shooting, est-ce ici que le shooting a eu lieu ?
La couverture de « All Eyez On Me » a été prise à terre, à Catalina, dans un restaurant transformé en studio photo. Bien que certaines vidéos montrent Tupac sur un bateau avec les mêmes tenues, ces scènes ne proviennent pas directement du shooting principal. Ken a précisé qu’il avait effectivement fait quelques prises sur le bateau, mais pour la photo emblématique de la pochette, tout a été installé dans un grand restaurant sur l’île — lumières, fond, mise en scène… tout le nécessaire pour créer une image forte et iconique.
_ Aviez-vous d’autres projets avec lui par la suite et avant sa mort ?
Oui, une autre photo a été utilisée après sa mort pour un album. Elle montre Tupac avec un verre de margarita, son célèbre mélange d’Alizé et de champagne. L’image, très colorée dans les tons jaunes, a finalement été reprise comme pochette. C’est l’un des derniers projets liés à lui que j’ai pu voir aboutir.
Merci à vous d’avoir relayé ces questions. Et si je passe à Paris, je vous ferai signe !
_ Quels sont vos prochains projets ?
Je viens de conclure une grande exposition au musée de San Gimignano, en Toscane, où plus de 7 000 photos ont été présentées — un projet dont je suis extrêmement fier. Un superbe livre a même été publié à cette occasion. Bien que l’exposition soit désormais terminée, toutes les infos y sont partagées sur mon compte Instagram, que j’ai lancé il y a environ un an. Je vais continuer à y publier des archives inédites, notamment autour de Tupac.
Encore un grand à vous d’avoir consacré un peu de votre temps pour répondre aux quelques questions posées pour notre communauté PacSide.net, interview qui sera disponible sur notre site officiel.
Vous pouvez également retrouver les photos de Ken avec Tupac sur notre ➡️ Page Galerie.